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28 août 2016

Michel Butor Audiovisuel

BUTORmosaique2

  Michel Butor Archives / Emissions - FRANCE CULTURE 

Michel Butor, mouvements inscrits - Canal U

Conférence Vidéo - Mêler les genres, la littérature migratoire

L'un de nos plus grands romanciers contemporains, Michel Butor, est aujourd'hui l'invité des deux parties de Tout arrive ! Avec lui, on parle bien évidemment de romans et des voyages qui les nourrissent, de l'oeuvre qui se constitue au long cours, polymporphe, des meilleurs moments pour écrire, du regard de Butor à près de quatre-vingts ans sur le jeune romancier qu'il a été ("finalement il était assez doué").  
Et à travers tout cela c'est l'écriture comme un genre d'art total qui apparaît, mêlant les disciplines, car on parle ici beaucoup de musique (un Faust), de l'écriture comme dessin, de toutes les façons qu'il a eues dans son travail de toujours solliciter plusieurs sens : "dans tout ce que j'écris, je veux faire voir et je veux faire entendre".

EMISSIONS/PODCASTS - FRANCE CULTURE

Les mots nourrissent la Grand Table aujourd'hui. Les premiers mots de deux jeunes auteures, Line Papin et Emilie Guillaumin, qui publient leurs premiers romans. Les mots rythmés de jazz de Wax & Boogie. La mélodie éternelle des mots de l'immense Michel Butor à qui nous rendons hommage aujourd'hui.                                     
C'était évidemment l'une des figures du Nouveau roman, dont le roman "la Modification" avait marqué le mouvement lors de sa parution en 1957. Mais Michel Butor avait ensuite passé sa vie à écrire, abandonnant le roman pour se consacrer toute sa vie à la poésie, aux écrits sur l'art, à la traduction. 
Cinquième et dernier épisode “A voix nue” consacrée à Michel Butor sur France Culture. Il est écrivain, enseignant, critique littéraire et aime mélanger les genres. Ecoutez-le s’amuser des réactions des critiques littéraires à ces écrits

 Prendre de la hauteur avec l'écrivain Michel Butor...

  

Michel Butor  -  arc3

AUDIO VIDÉO  LITTÉRATURE -  MICHEL BUTOR

http://flenet.unileon.es/docauteurs20siecle.html 

Michel Butor, petit guide Internet
Dictionnaire et Textes de Michel Butor
Michel Butor sur Chantiers.org
Citations M. Butor - Blog "Les lignes du monde"
Entretien M. Butor sur la géographie - Cybergeo

 

 

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Commentaires
V
J'ai apprécié visiter votre site qui est très instructif, J'attend avec impatience la suite. Bravo !
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Q
Michel Butor - "Mêler les genres, la littérature migratoire" - Questions & Réponses<br /> <br /> por Écritures de la modernité hace 2 años<br /> <br /> <br /> <br /> VIDEO http://vimeo.com/10772353<br /> <br /> <br /> <br /> Michel Butor<br /> <br /> conférence: "Mêler les genres, la littérature migratoire"<br /> <br /> <br /> <br /> invité par Mireille Calle-Gruber<br /> <br /> au séminaire "Littérature et Arts, Passages et Hospitalités entre les œuvres" (Centre de Recherches en Etudes Féminines & de Genres et Littératures francophones -- Paris-III Sorbonne Nouvelle);<br /> <br /> <br /> <br /> le jeudi 4 novembre 2009 à 17h en Sorbonne;<br /> <br /> <br /> <br /> Questions & Réponses:<br /> <br /> <br /> <br /> - Quel degré d'interaction entre les arts dans l'art moderne?<br /> <br /> Frontières et fusion; Art et littérature; Langage, langues nationale et régionale; Dialogue des genres...<br /> <br /> <br /> <br /> - (21') Créer, fabriquer. Les métiers du livre; Héritage paternel; Artisanat et art; Ordinateurs et écriture; Livres électroniques; Papier(s); Situation de l'édition...<br /> <br /> <br /> <br /> - (36') L'écriture et le corps; Expériences sensorielles, expériences esthétiques...<br /> <br /> <br /> <br /> - (49') Compilation et création; Travail d'archivage; "Problématique des œuvres complètes"; Entretiens; Correspondances...<br /> <br /> <br /> <br /> - (59') Ecriture, art et indicible...<br /> <br /> <br /> <br /> Vidéo 1: Lectures & Remarques<br /> <br /> vimeo.com/7685694<br /> <br /> <br /> <br /> SITE: ecritures-modernite.eu/?page_id=3703<br /> <br /> ecritures-modernite.eu/equipes/cref-centre-de-recherches-en-etudes-feminines-et-de-genres
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B
Cinq pistes pour une approche <br /> http://chantiers.org/butorcinq.htm<br /> <br /> par Raphaël Monticelli<br /> <br /> <br /> Première piste <br /> <br /> De la masse et du nombre considérés comme vertus <br /> <br /> Considérer les rapports entre Michel Butor et la peinture, c'est aborder l'une des œuvres les plus considérables de notre époque, tant du point de vue de la masse des sujets, que du point de vue de la diversité des approches de l'art qu'elle met en jeu. Depuis le début des années 60, l'écrivain a multiplié les contacts avec les artistes de ce temps. Tous importants, dit-il, même s'ils ne sont pas tous célèbres. Etonnante recherche, pour notre mentalité contemporaine, volontiers élitiste, persuadée, malgré bien des discours officiels, qu'il n'est de vertu que du petit nombre pour le petit nombre, et qu'il n'est pas possible que plusieurs démarches artistiques puissent se valoir dans une même époque : élitiste, la mentalité contemporaine a une profonde tendance à une hiérarchisation qu'elle pose volontiers comme absolue et définitive. Plus largement encore est diffus le sentiment que tout artiste porte en lui un simulateur, et l'on vit dans la crainte de se tromper ou d'être trompé... Le rapport de Michel Butor à la masse d'artistes, c'est sa première leçon sur l'art contemporain, faite d'ouverture, de sympathie pour les démarches les plus diverses, d'une gourmandise curieuse de tout... La production de Michel Butor avec les artistes et dans les domaines de l'art tient de l'usine : des centaines de titres, près de 300 artistes avec lesquels il y a, ponctuellement ou de façon plus régulière, coopération ! Un peu comme si, à l'invasion aveugle des images que nous vivons quotidiennement, et qu'il analyse dans ses "improvisations sur Michel Butor", l'écrivain répondait en se laissant envahir lucidement et sans crainte par les artistes et leurs œuvres... <br /> <br /> <br /> <br /> Deuxième piste <br /> <br /> De l'élargissement du regard sur l'art à la multiplication des démarches d'écriture <br /> <br /> La multiplication des contacts avec les artistes vise donc bien la découverte : le problème n'est pas de poser sur tout objet d'art le regard et la griffe de Michel Butor, mais de se transformer, et de transformer ses procédures d'écriture dans le rapport aux objets et aux démarches de l'art. Ecrire sur Mondrian, sur Alechinsky, sur Licata ou Maraniello engage des dynamiques d'écriture d'autant plus différentes qu'elles peuvent s'inscrire dans des projets éditoriaux ou sociaux différents: l'écrivain peut ainsi avoir à répondre à une commande d'éditeur ou de galeriste, ou à développer une relation de complicité ou de familiarité ludique avec tel ou tel artiste. Dans tous les cas, ce qui est au cœur de la préoccupation de Michel Butor, quand il commence une relation d'écriture avec une œuvre d'art, c'est la véritable machine -ou machinerie- à écrire qu'il va mettre en place pour produire du texte : face à un objet/œuvre original, le défi, c'est de construire un objet/texte tout aussi original et transposant dans l'écriture l'enseignement des autres arts. A la masse et à la diversité des sollicitations de l'art va ainsi répondre la masse et la diversité des objets d'écriture, à l'interprétation que l'art nous donne du monde, une transformation chaque fois nouvelle de notre image commune du livre.<br /> <br /> <br /> <br /> Troisième piste <br /> <br /> Multiplier les démarches d'écriture pour multiplier les textes... <br /> <br /> Butor lui-même l'a dit et précisé à maintes reprises: une rencontre avec un artiste se traduit par un projet, une direction, des tâtonnements, des détours, des inquiétudes, des angoisses et des découvertes. Le texte peut être une approche critique au sens presque universitaire du terme: on trouvera ainsi réunies dans les volumes des "Répertoires" ces approches sur Holbein, Hokusaï, Monet ou Rothko. On trouvera aussi des volumes d'entretiens sur des artistes contemporains, comme ceux qu'il a réalisés avec Michel Sicard sur Alechinsky ou Henri Maccheroni. Le rapport aux œuvres peut enfin donner ces récits que l'on rencontre dans les "matières de rêves" et dans lesquels est explorée la puissance onirique des images de l'art. A ces démarches il faut ajouter celles dans lesquelles l'écrivain va chercher dans l'œuvre, dans son aspect, ses matières, ses rythmes, sa composition, ses couleurs, le motif même de sa création littéraire et ses principes d'écriture. C'est à l'œuvre même que, par exemple, l'écrivain demande son lexique lorsqu'il écrit sur la peinture de Stämpfli, qui se développe autour de l'interprétation plastique du pneu et du chevron, Michel Butor travaille le lexique de la route et du déplacement et soumet la production de son texte, écrit en quatre langues (français, italien, allemand et anglais), et avec une couleur par langue, dans ses combinaisons lexicales, dans l'espace qu'il occupe sur la page et dans la forme plastique qu'il adopte à une exploration assistée par ordinateur; la démarche est particulièrement claire, par exemple, dans le cas des textes sur les œuvres de Maccheroni : des photos de New York réalisée par Maccheroni dans les années 80 font l'objet de quelques œuvres croisées. Dans l'une d'elles, intitulée "la vallée des dépossédés", Henri Maccheroni alterne des photographies d'immeubles et des traitements à l'aquarelle qui retiennent des rythmes new-yorkais les grandes lignes verticales interprétées en bandes de papier, et l'effet de perspective rendu par la présentation en triangles. De ce "Manhattan", Michel Butor tire le texte dont le titre devient celui de l'œuvre commune, et où il passe du Manhattan contemporain au substrat amérindien et des amérindiens aux dépossédés, à partir de quoi, Manhattan et la cinquième avenue, aux perspectives triangulaires, deviennent la vallée des dépossédés qui se charge de toutes ses connotations égyptiennes... C'est encore dans les suggestions de l'image et du travail de gravure que prennent naissance les textes pour Ricardo Licata ou Giuseppe Maraniello. Les aquarelles de Licata sont approchées par l'impression comme immédiate qu'elles produisent sur l'écrivain : il s'agit là d'abord de signes proches d'une écriture perdue, la stabilité d'une œuvre à l'autre de Licata le suggère et ses combinatoires tendent à faire passer la trace plastique au statut de signe et d'écriture; toutefois cette écriture, on le voit bien, soit n'a pas de traduction immédiate, soit n'a pas de traduction possible. Michel Butor se donne alors comme perspective d'explorer ces "hiéroglyphes en vacances" et de jouer sur une sorte d'interprétation de traces primitives avec un lexique premier: l'homme, la femme, l'enfant, le soleil, la lune, la fleur, les étoiles, et travaille son texte et les combinaisons entre ses interprétations comme Licata travaille ses signes et leurs rapprochements. Ainsi, à travers le regard sur une œuvre, l'écrivain trouve, dans les principes plastiques, les motifs d'engendrement du texte lui-même. Notons cependant la permanence des thèmes butoriens, et cette recherche fondamentale d'une archéologie des signes plastiques qui le conduit souvent à repérer dans l'art d'aujourd'hui et dans ses démarches, les échos égyptiens. Dans le cas de Giuseppe Maraniello dont Michel Butor admire "le sens remarquable du papier" c'est toute machinerie d'écriture que l'écrivain met en place. Maraniello pratique le gaufrage plus que la gravure: du papier repoussé surgissent des personnages féminins aux formes pleines et aux chevelures abondantes... Du point de vue des couleurs est gardée, immaculée, celle du papier. Michel Butor met en place ce véritable moteur à texte de son "carré magique": des strophes de 4 vers, composés chacun de 4 mots, se regroupent 4 par 4, en 16 séquences. A l'intérieur du texte, reviennent de façon plus ou moins régulière les mêmes 64 mots, -tous substantifs et adjectifs, à l'exclusion des verbes, adverbes et mots grammaticaux. Le "Carré magique" se donne pour objectif de faire une sorte d'écho inversé à la blancheur du papier par la montée des images de sang, de pourpre, de rouge et, au delà, de brûlure et d'enfer. Dans ce but, l'écrivain est attentif aux fréquences et, par exemple, il ne répète le mot "blanc" qu'une seule fois, contre 16 fois "enfer", 28 fois "brûlant" et "pourpre" et 32 fois "rouge" ou "changeant". Ainsi le texte dit non ce que l'image globalement présente à première vue, mais ce qu'elle suggère, c'est-à-dire le manque qu'elle rend sensible... D'une certaine façon pour reprendre le titre du texte dédié à Licata, Butor écrit toujours dans une "vacance". L'image peut ainsi être à l'origine de la suggestion, cette fonction, on vient de le voir, peut être remplie par les qualités des matériaux de l'art, comme c'est le cas du papier. Dans le cas des œuvres de Leonardo Rosa, c'est l'exploration de matériaux pauvres qui, au contraire, retient l'artiste et l'écrivain. L'œuvre de Leonardo Rosa est, en grande partie, consacrée au traitement plastique de bois flottés, récupérés sur la plage après les grosses mers. Ces bois, qui ont subi les atteintes du temps et des vagues, dont on a bien souvent du mal a retrouver l'origine possible font le point de départ de la série dite des "Tjuringa" inspirée des Tjuringa australiens tels que les évoque Chatwin et tels qu'on peut les rencontrer chez Lévy-Strauss. Pour l'Australien, le tjuringa est l'objet symbolique de ce que nous appellerions l'âme, ou l'esprit de quelqu'un, et, dans la démarche de Leonardo Rosa, le seul fait de récupérer des bois flottés entre dans cette quête où l'on va "prendre de l'âme"; après quoi, il emmaillote, à proprement parler, le bois dans des langes -ou des linceuls- de papier récupéré qu'il marque d'un mélange de liant et de cendres... Façon de faire sienne cette âme possible rendue par la mer... Michel Butor a consacré aux "Tjuringas" de Leonardo Rosa diverses approches. La première d'entre elles s'intitulait "Cueilli sur la plage" et consistait en une méditation sur les dons de la mer et développait la métaphore des "vagues du siècle", ce qui lui permettait un glissement constant de ce que l'on cueille sur la plage à ce que l'on recueille de notre siècle... A l'intérieur de cette méditation se développait ainsi cette déploration prophétique qui est l'une des dimensions de la poésie de Michel Butor. Déjà, pourtant, apparaissait dans ce texte, un autre grand thème de la poésie butorienne : celui e l'art salvateur. Et, au détour d'un vers, on pouvait lire : <br /> <br /> tandis que nous nous apprêtons<br /> <br /> à doubler le cap des 2000 <br /> <br /> tempêtesmais en maintenant <br /> <br /> quelque peu de bonne espérance <br /> <br /> bien qu'il soit dépourvu de tout <br /> <br /> phare pour éclairer nos passes <br /> <br /> Le deuxième texte dédié aux Tjunringas reprenait, en l'amplifiant et en lui donnant un rôle central, cette image du phare absent. C'est ainsi que prenait naissance "Le phare naufragé", singulière bouteille à la mer, où, à l'intérieur de la déploration du "naufrage" se lève, malgré tout, l'espoir que "tout autour de (lui)" se lèvent "satins", "coraux", "rêves de l'homme à la barre" et que puisse se <br /> <br /> "trouver l'asile <br /> <br /> où des exilés <br /> <br /> se rassembleront <br /> <br /> autour de (ses) flammes <br /> <br /> pour les ranimer" <br /> <br /> Un troisième texte, enfin, "Floraison des exclus" développe l'image du charbon, matière de la coloration des tjuringas qui se termine sur cette interrogation que pose la matière : "Qui saura me déplier, me déployer soigneusement, étudier mes transparences palimpsestes pour en faire jaillir l'énergie des phénix?" Dans ce dernier cas, où le poète donne la parole à un objet matériel, nous ne sommes pas loin d'une technique chère à Diderot, quand l'écrivain, considérant l'œuvre comme un moment suspendu, la met en mouvement et en imagine l'avant et l'après dans des scénographies plus ou moins complexes: à propos d'une œuvre de Manuel Casimiro par exemple... Manuel Casimiro est un peintre portugais dont le travail consiste, depuis des années, à perturber nos images les plus connues, voire les plus symboliques de notre culture, avec une marque plus ou moins anonyme, une forme ovoïde qu'il vient placer à l'intérieur des compositions classiques. Ainsi, face à une représentation de Vénus et l'Amour par Cranach, revue et corrigée par Casimiro, Michel Butor imagine un dialogue modulée par les questions posées par l'Amour à Vénus. Cette mise en mouvement est particulièrement ample dans "l'embarquement de la reine de Saba" à propos du tableau éponyme de Claude Lorrain En trente visions, le texte va mettre en mouvement la reine: lentement, elle monte dans le vaisseau qui va disparaître au loin, tandis que se développent parallèlement le texte "L'appel du large", les imaginations, les rêves, et que se pose une énigme par vision. <br /> <br /> <br /> <br /> Quatrième piste <br /> <br /> Multiplier les textes pour explorer les possibles <br /> <br /> On voit qu'il y a, dans la démarche de Michel Butor, un renversement du rapport classique entre texte et image: classiquement, en effet, le texte vient, la plupart du temps, avant l'image qui a pour mission de l'illustrer, l'orner ou décorer. Dans la très ancienne connivence entre le texte et l'image, l'habitude a été plus ou moins prise de considérer que ce qui est premier, c'est le texte. Sauf dans le cas des discours du critique ou de l'historien d'art... Ce renversement n'est pas anodin... La primauté donnée par Butor à la production de l'art, semble faire écho à ce que nous savons aujourd'hui de l'histoire de l'humanité: l'image semble être apparue avant l'écrit, l'écrit semble y être né, comme s'il s'en était peu à peu dégagé. Les modes d'approche de l'œuvre d'art sont ainsi très nombreux dans le travail de Michel Butor... Le plus classique, c'est, évidemment, de mettre face à face l'œuvre d'art et le texte qui demeurent alors indépendants l'un de l'autre. Mais, très tôt, dans sa relation à la peinture, Michel Butor a voulu écrire dans les parages de l'œuvre, dans le même espace, sur la même feuille, et c'est bien dans ce cas que réside le renversement: les exemples ne manquent pas dans l'œuvre de Michel Butor, soit que l'écrivain décide de l'endroit où il va écrire, soit que l'artiste réserve à l'écrivain un emplacement dans la feuille. C'est ainsi que se sont construite des œuvres avec Gregory Masurosvky, ou encore avec Henri Maccheroni. Dans les "Archéologies bronze", ou dans les "Pierres de Temple", Henri Maccheroni laisse une place à l'écrivain; dans un sens, le peintre décide d'une zone neutre qui fait que son œuvre demeure inachevée tant que la zone n'est pas remplie. En poussant un peu cette idée, on s'aperçoit que l'écriture joue, dans la mise en place de son œuvre par le peintre, le rôle d'un espace plastique à part entière et qu'il entre dans cette composition comme traitement plastique avant d'y entrer comme sens. Les deux interventions évoluent ainsi dans un même espace plastique. C'est finalement à une interprétation de ce type que s'est livré Egidio Fiorin, l'éditeur de "Le phare naufragé" lorsque, prenant le manuscrit de Michel Butor et le "Tjuringa" de Leonardo Rosa, il construit une livre objet pour réunir les deux interventions. Il arrive enfin que le texte, manuscrit ou non, se déploie à l'intérieur même du travail de l'artiste. Il existe ainsi, par exemple, de magnifiques relations entre Les œuvres d'Hérold et l'écriture de Michel Butor. Ce qu'il y a de particulier, dans ce dernier cas, c'est que ce n'est pas le peintre qui décide, ce n'est pas lui qui élabore une œuvre virtuellement inachevée, c'est l'écrivain qui va prendre possession d'un espace de l'œuvre décidant non seulement qu'elle peut être considérée comme inachevée, mais plus encore, qu'il est capable d'en accomplir l'achèvement mieux -ou au moins aussi bien- que le peintre lui-même: on voit à quel degré de confiance ou au moins de complicité ou d'humilité, d'acceptation de l'autre, un écrivain et un artiste doivent parvenir pour se lancer dans une démarche de ce type. Michel Butor a souvent dit la difficulté qu'il avait eue à écrire dans l'œuvre d'art elle-même. L'intervention d'une écriture -étrangère, perçue exactement comme un corps étranger- dans une œuvre d'art peut être vécue comme très traumatisante: a-t-on le droit, se dit l'écrivain, de modifier un Picasso en écrivant dessus? Comprenons: en écrivant à même sa toile? L'intrusion dans une sorte d'espace de l'intimité (nous percevons l'œuvre d'art, singulièrement l'œuvre peinte comme "expression" personnelle), se double d'une sorte de sacrilège: nos sociétés se figurent la toile, la gravure, le dessin, l'objet d'art comme des espaces intangibles, sacrés. Michel avoue avoir mis beaucoup de temps avant d'oser commettre cette sorte de crime que lui a facilité la complicité du peintre et graveur Grégory Masurosvky. De ce point de vue sont remarquables certaines œuvres croisées avec Maccheroni : dans la première série des Egypte-Bleu, par exemple, le texte transforme la proposition plastique en véritable plan d'architecture. Les écritures sur les toiles d'Alocco, jouent avec l'effilage que le peintre fait subir à la toile, celle que Michel Butor a données à Martin Miguel s'inscrivent, souverainement sur le bois et dans la couleur. Cette idée d'intrusion et de sacrilège mériterait qu'on s'y attarde davantage... Ce que l'écrivain nous apprend, c'est à transgresser la frontière - la fois virtuelle, idéologique, esthétique et très matérielle- entre les arts. C'est en même temps à une entreprise de transgression systématique qu'il nous convie... Et on sait bien que sans transgression il n'y a ni amour, ni création... <br /> <br /> <br /> <br /> Cinquième piste <br /> <br /> Explorer les rapports du corps au livre <br /> <br /> Voici, en guise de conclusion, une sorte de paradoxe... Nous sommes à l'époque du traitement de texte, de la publication assistée par ordinateur, de la circulation sur Internet, de nouvelles voies pour le rapport à l'information, à l'art, à la littérature; jamais depuis l'invention de l'imprimerie -peut-être même depuis le lent surgissement de l'écriture - les données intellectuelles et artistiques n'ont été autant bouleversées qu'en cette fin de siècle. Voici le paradoxe : jamais on n'a vu apparaître autant de démarches mettant en œuvre le rapport physique à l'écriture et au texte, au premier rang desquelles celle de Michel Butor. Sans doute avons-nous besoin, aujourd'hui comme jamais, de rattacher le signe, le texte, le sens, aux réalités physiques tangibles qui les permettent : les espaces matériels de l'art et notre corps agissant. <br /> <br /> © Raphaël Monticelli et la revue La Sape
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T
Michel Butor sur chantiers.org - Serge Bonnery<br /> http://www.chantiers.org/butorune.htm<br /> <br /> Michel Butor à Carcassonne<br /> Les rencontres en images<br /> Quatre poèmes de Michel Butor<br /> http://chantiers.org/butortrois.htm<br /> Cinq pistes pour une approche<br /> http://chantiers.org/butorcinq.htm<br /> Ouvrir le regard (entretien 2)<br /> Le dictionnaire Michel Butor<br /> <br /> -------------------<br /> <br /> Les couleurs du silence (entretien 1)<br /> http://chantiers.org/butorquatre.htm<br /> <br /> Voir, entendre les couleurs du silence <br /> Entretien avec Michel Butor par Alain Freixe <br /> <br /> Alain Freixe : En 1962, avec le peintre chilien Enrique Zanartu vous publiez votre premier livre d'artiste à la galerie du Dragon. Vous l'intitulez Rencontre. Pouvait-on rêver mieux pour un commencement que ce mot ? Pour moi, il dit le heurt qui fera bouger non seulement le peintre et l'écrivain mais également l'espace où trouvera à se matérialiser la rencontre. Quelle idée vous faisiez-vous, cher Michel Butor, en 1962, du livre d'artiste ? Cette conception a-t-elle évolué au fil des ans et des artistes rencontrés ? <br /> <br /> Michel Butor : Je viens d'apprendre la mort d'Enrique Zanartu. Il n'était pourtant pas beaucoup plus âgé que moi. Je l'avais rencontré galerie du dragon, fondée par Nina Dausset, qui avait hébergé le groupe surréaliste d'alors. J'habitais chez mes parents rue de Sèvres et je passais presque tous les jours par la rue du dragon pour aller à Saint-Germain-des-prés. Le nom de cette rue vient de l'ancienne cour du dragon qui a donné son nom à l'une des journées de la Semaine de bonté de Max Ernst. Elle était déjà fort délabrée dans ma jeunesse. Elle donnait de l'autre côté sur la rue de Rennes par un magnifique porche rococo orné d'un dragon, qui a été détruit deux ans après avoir été classé pour faire un monoprix. La galerie est au coin de la rue Bernard Palissy où s'étaient installés les jeunes éditions de Minuit. Comme il devait y avoir une exposition Zanartu, en 56 ou 57, le nouveau responsable de la galerie, Max Clarac-Sérou, m'avait demandé une préface pour le catalogue. Quelques années plus tard, Enrique ayant réalisé cinq grandes eaux-fortes en couleurs, Max Clarac réussit à intéresser un commanditaire suédois pour réaliser ce livre. On y voit se produire une rencontre, mais naturellement le titre évoque aussi la nôtre. Presque tous les livres que j'ai réalisés depuis avec des artistes auraient pu avoir un tel titre. La dernière fois que j'ai vu Enrique Zanartu, c'était à l'occasion d 'une visite chez Antonio Saura, encore pour un projet de livre. J'arrive chez celui-ci qui me dit en m'accueillant : avant de vous faire entrer, je voudrais vous mener chez un ami qui aura beaucoup de plaisir à vous rencontrer. Ils habitaient sur le même palier. Quand à la conception du livre d'artiste alors elle venait de la cohabitation, l'intimité que j'avais tant admirée entre peintres et écrivains dans le groupe surréaliste, et d'un certain nombre de grands classiques, en particulier ceux réalisés par Ambroise Vollard. Cela impliquait grand format et grand luxe. Au fil des années et des collaborations j'ai exploré bien d'autres formats, bien d'autres techniques et si j'ose dire d'autres économies, en particulier ce qu'on peut appeler le luxe pauvre. C'est ainsi que pour nous libérer le plus possible des problèmes de prix de revient que j'ai multiplié les livres manuscrits.<br /> <br /> AF : Vous opposez "grand luxe " et " luxe pauvre ". Qu'entendez-vous par cette dernière expression ? Pourriez-vous nous en dire un peu plus sur cette autre économie du livre d'artiste ?<br /> <br /> MB : J'aime le papier sous toutes ses formes ; les plus somptueuses qui peuvent coûter très cher, mais aussi les plus simples : le papier journal, le papier kraft, le papier machine sur lequel je vous écris. Je suis donc heureux de le célébrer par des livres qui en montrent les beautés. Et l'on pourrait développer cela pour tous les aspects de la fabrication. Il y a un grand luxe qui revient très cher, qu'il faudra donc vendre très cher, qui sera réservé aux gens riches. Il a ses vertus. Mais il y a aussi un luxe pauvre dont les matériaux ne coûtent presque rien, et qui est fabriqué seulement par le travail de ses auteurs. C'est alors seule la rareté qui peut lui donner une valeur marchande, et peu à peu. C'est par excellence l'objet à donner.<br /> <br /> AF : Diriez-vous qu'avec ce mot - Rencontre - pour premier titre de votre collaboration avec les artistes ce fut comme un véritable coup de vent - " salubre ", disait Rimbaud, fiable ont toujours pensé les poètes de Reverdy à Dupin en passant par Char - quelque chose qui se serait révélé être comme le garant de cette ouverture par où pouvait passer l'air dont vous aviez besoin, air qui se raréfiait pour finir par manquer totalement du côté de l'écriture romanesque ? Pourriez-vous revenir sur ce moment de rupture, de battement entre deux portes ? <br /> <br /> MB : La rupture avec le roman habituel, même " nouveau " était déjà consommée sans que je ne m'en rendisse compte, avec l'écriture de Mobile qui a paru en cette même année 1962. Rencontre avec son côté poème en prose a été en effet une bouffée d'oxygène. C'est à partir de ce moment que j'ai osé me remettre à écrire des textes que l'on pourrait qualifier de poèmes. Sans l'intense confrontation avec les peintres et leur intense encouragement je n'aurai jamais osé franchir ce pas. Je leur en garde à cet égard une reconnaissance éperdue (hélas ils meurent les uns après les autres ; d'autres plus jeunes les relaient heureusement). J'étais déjà connu comme auteur de romans et d'essais, ils m'ont libérés dans ce domaine qui a envahi peu à peu tout le reste. Cela a été et reste un bain de jouvence. Je me sens un vieux romancier bientôt du siècle passé, mais un jeune poète tout prêt à entrer dans le siècle nouveau.<br /> <br /> AF : Vous parlez, cher Michel Butor, d'une part de " l'intense encouragement des peintres " à propos de la reprise de votre écriture poétique et, d'autre part, d'une' " intense confrontation " avec eux. Pourriez-vous éclairer davantage ce face à face ? Quels en furent les temps forts ? Les aigus ? Les points d'achoppement ? Les remises en question ? Dessiner comme un parcours ?<br /> <br /> MB : J'ai toujours vécu dans une atmosphère de peinture. Mon père, employé dans l'administration de la SNCF pour pouvoir subvenir aux besoins de sa nombreuse famille (8 enfants, dont une fille morte avant la naissance), aurait bien voulu être peintre. Il a fait de l'aquarelle toute sa vie (paysages et images pieuses) et de la gravure sur bois. Je suis allé apprendre à dessiner chez l'un de ses amis. Quand j'ai commencé à faire des livres avec des artistes, j'ai eu l'occasion de retrouver l'atelier Féquet et Baudier où je l'avais accompagné enfant lorsqu'il voulait de beaux tirages de ses gravures. Certains des artistes avec qui j'ai commencé à travailler sont devenus des amis intimes (Hérold, Bryen, etc.). Chaque dialogue a été différent. Quelquefois les choses n'ont pas marché. Je me souviens d'un éditeur qui avait voulu me faire faire un livre avec des encres de Soulages, peintre que j'admire beaucoup. J'ai écrit mon texte que vous pourrez trouver dans Illustrations III sous le titre Méditation explosée. Je me suis heurté à un refus catégorique, ce qui ne m'a pas empêché d'avoir de bons rapports avec lui par la suite. Je ne sais , je devais révéler quelque chose qu'il ne voulait pas laisser voir. Je pense qu'aujourd'hui les choses se passeraient différemment. Quant au parcours, eh bien, mon premier livre d'artiste à proprement parler a été Rencontre en 1962. Puis j'ai eu une période où j'ai travaillé exclusivement dans le grand luxe. Je ne me prive pas d'y travailler encore quand l'occasion se présente. Tout était alors imprimé. Puis il y a eu l'invention du luxe pauvre. Je me souviens qu'Hérold avait décidé de faire recouvrir certains étuis du magnifique Dialogue des Règnes avec de la toile à serpillière. C'était splendide, et comme c'est un tissu fait spécialement pour absorber liquides et salissures, il faut le manipuler avec de grandes précautions. Il y a eu aussi Ania Starotsky, artiste russe amie d'Iliazd, avec qui nous avons fait entre autres choses, un ouvrage en photocopie, technique alors dans son enfance. C'est à partir de là que ce sont multipliés les livres manuscrits permettant une réduction considérable des coûts, mais interdisant de réaliser plus de quelques exemplaires. La consultation du catalogue de l'Ecart montre ainsi l'explosion progressive de ma production qui est en même temps devenue secrète.<br /> <br /> AF : Comment expliquez-vous cette contradiction, d'une part votre production s'accroît considérablement - plus de 300 artistes - et d'autre part, elle devient plus secrète. Explosion, secret ce sont les termes que vous utilisez. Une explosion silencieuse comme se recouvrant peu à peu elle-même, et finissant par se dérober aux regards, par se cacher.<br /> <br /> MB : Ce qui s'accroît, c'est le nombre des objets-livres, mais leur texte est souvent assez court, et surtout le tirage est restreint, surtout quand il s'agit de livres-manuscrits ; il faudrait alors parler de quantité de copies. Cette production n'est d'ailleurs pas médiatisée comme celle qui passe par les grands éditeurs. C'est le circuit des galeries et surtout le bouche à oreille. Explosion douce par conséquent, qui ne m'empêche nullement de vivre à l'écart.<br /> <br /> AF : Michel Butor, qu'est-ce qui vous préoccupe, quel est votre souci premier, fondamental - peut-être votre querelle, votre belle querelle ! - lorsque vous entrez dans une relation de travail, d'écriture avec un artiste ?<br /> <br /> MB : Je me mets à travailler avec un artiste lorsque je sens une demande. Parfois, c'est effectivement lui qui me propose un projet, mais ce n'est pas indispensable. Ce qui l'est c'est que je sente une sorte d'injustice. Dans ce qu'il fait, il y a quelque chose de précieux pour moi, qui devrait l'être pour d'autres à qui il convient de passer le mot. Donc l'œuvre met en branle en moi un nouveau discours et je lui en suis reconnaissant ; je me sens une obligation. Donc la demande peut très bien venir d'un peintre mort, illustre ou non, qui en quelque sorte se ranime en moi.<br /> <br /> AF : Qui lira cet entretien sera certainement touché par le bel hommage que vous rendez à vos amis peintres. C'est donc leurs œuvres, lits de couleurs, couches de matières qui a été, pour vous, occasion d'expérience, cette traversée toujours risquée. Puis-je vous demander selon vous pourquoi ? Ce coup de bêche venu des peintres en vos terres, comment expliquez-vous qu'il visa juste, là où l'eau des poèmes affleurait déjà ? La peinture pour remuer l'écriture, l'irriguer de quelles nouvelles espérances ?<br /> <br /> MB : J'avais écrit beaucoup de poèmes étant étudiant. Certains ont été repris dans Travaux d'approche et La banlieue de l'aube à l'aurore. C'était l'époque où je me demandais encore si je n'allais pas me consacrer à la peinture - mais de moins en moins. Retour d'Egypte, travaillant sérieusement à mon premier roman Passage de Milan, j'avais décidé de renoncer aussi bien à la poésie de style habituel, qu'à la peinture. Je me suis mis alors un peu à la photographie, pour quelques années. Mais il s'agissait pour moi de tout faire passer dans le roman. Je n'y ai pas réussi à cause de la production d'essais qui s'est multipliée, laquelle s'accordait à mon gagne-pain, l'enseignement, et aussi à cause du retour du jeune poète assassiné ou abandonné, en réponse à la curiosité de certains amis. La demande des peintres a rouvert une vanne, mais il faut dire que la liqueur avait considérablement évolué, qu'elle évoluera considérablement encore. Non seulement les peintres m'ont donné une autorisation qui me manquait, ils ont brisé en moi un Tabou, mais ils m'ont enseigné par leurs ouvrages et aussi leur comportement toutes sortes de stratégies de détail. Chacun m'a ouvert une sorte de purgatoire différent; et il s'en est toujours trouvé un pour me sauver du désespoir ou de l'ennui.<br /> <br /> AF : Cette relation entre poètes et peintres semble sans cesse réactivée, au moins depuis Baudelaire - ah ! la couleur chez Delacroix ! -, au point qu'elle semble sinon spécifique du moins " très " française, non ? Certes, la renaissance avait su faire un sort à l'adage d'Horace ut pictura poesis, liant arts du langage et art des formes à partir du moment où la Nature - ce Cosmos - leur était modèle commun. Depuis, ce modèle a volé en éclats. Toutefois, n'a-t-on pas toujours quelque mal à échapper à la hiérarchisation qui voit la littérature tenter d'occuper la plus haute marche. Je pense à André Breton affirmant encore dans Position politique du surréalisme que la poésie était le seul " véritable art de l'esprit ", qu'elle était capable de pénétrer les autres arts... L'ut pictura poesis, Michel Butor, comment l'entendez-vous aujourd'hui ?<br /> <br /> MB : Dans les grandes religions monothéistes, Israël, Islam, Chrétienté, tout tourne autour d'un livre essentiel : torah, coran, bible. L'écriture est donc première ; elle est même souvent considérée comme antérieure au monde. Au début de l'évangile de Saint Jean, c'est le logos ou le verbe. Aussi l'écrit est considéré comme fondamentalement antérieur à l'image qui ne peut être que son illustration, qui peut être dangereuse si elle s'émancipe, ramener à l'idolâtrie. Cette antériorité de l'écrit est la règle dans presque tous les livres européens jusqu'au XXème siècle. Il faur remarquer qu'Horace, en bon païen, dit : ut pictura poesis, c'est-à-dire : la poésie est comme une peinture, imite la peinture qui, elle, imite la nature. A la Renaissance, c'est plutôt l'inverse : ut poesis pictura, la peinture est comme un poème, c'est-à-dire qu'elle doit chercher l'inscription profonde qui se trouve au-delà des apparences. Le XXème siècle a assisté à une extraordinaire invasion des images qui prétendaient nous donner une réalité toute crue, antérieure à tout texte, avec la photographie et le cinéma. Nous savons bien maintenant que cette prétendue crudité est un mythe. Mais l'écriture aujourd'hui a besoin de revendiquer sa place tout autrement qu'auparavant. J'aime la peinture qui est comme un poème (Raphaël, Bellini, Titien) ou comme un commentaire au texte sacré (Giotto), mais j'aime tout autant la poésie qui est comme une peinture, et qui donc va faire surgir à nos yeux des formes et des couleurs qui retrouvent parfois celles de la réalité en nous les découvrant. Je dis ici plutôt réalité que nature, car la photographie et le cinéma ont dès l'origine trouvé leur terrain d'élection dans l'urbain (ce qui n'empêche pas des parties de campagne). A partir de l'urbain l'impressionnisme redonne une nature perdue, en procédant de proche en proche : jardins publics, promenades, villégiatures, etc. Pour répondre à Breton, je pense que la poésie est peut-être le plus grand art de l'esprit, mais qu'elle n'est certainement pas le seul capable de pénétrer les autres arts, elle doit aussi s'en pénétrer.<br /> <br /> AF : Pour vous, Michel Butor, le poème, le texte d'accompagnement, le texte mis en route, en chantier serait est-il simple équivalent verbal de l'œuvre plastique ? N'y a-t-il pas toujours le risque - c'est Daniel Lançon qui cite ce passage de Jean Roudaut dans Une ombre au tableau, texte paru aux éditions Ubacs où votre correspondance avec votre ami Georges Perros a aussi été éditée - d'une appropriation possible dans cette mise en mots, mise en histoire, en fable d'un tableau ? Doute, suspicion...René Char parlait des " lèvres incorrigibles " des poètes lorsqu'ils abordaient l'œuvre d'art. Y aurait-il silence de ce côté-là ?<br /> <br /> MB : Un de mes livres s'appelait Chantier (les textes en ont été repris dans A la frontière à La Différence). Pour moi le texte qui accompagne l'image n'est pas un équivalent, mais un complément. Il réalise avec le tableau, la gravure, etc un nouvel objet plus riche. Il est donc difficile de l'en détacher. Pourtant, j'ai l'impression qu'il ne joue vraiment son rôle que s'il est capable d'une vie indépendante, serait-ce au prix des transformations. C'est ce qui explique qu'un texte écrit pour le peintre A, puisse être utilisé par le peintre B pour un nouveau mixte. Il y a des écrivains qui sont tellement imbus de la prééminence du texte, qu'ils voudraient en effet y traduire tout, faire des textes qui puissent à la limite remplacer les objets, les œuvres. Je cherche tout autre chose ; je veux que mon texte ouvre les yeux (ou les oreilles), qu'il rende l'œuvre nécessaire. Cette œuvre-là, peut-être une autre aussi, une troisième, bientôt toute une galerie de musée. Le tableau nous dit que l'on n'a pas su parler, notamment de lui, mais qu'il faut parler. Son silence est un appel. Cet appel continue tout au long de nos textes qui ne peuvent être définitifs. Après le dernier mot, le silence revient, l'attente. Mais il n'y a pas que les tableaux qui nous disent cela ; tous les grands textes nous le disent aussi. Ils appellent nos lectures fraîches. Nous pouvons entretenir la source, mais à la fin il nous faudra toujours laisser la parole au suivant.<br /> <br /> AF : Ecrire avec les peintres, vous l'avez fait. Ecrire à partir des peintres aussi. Sur les peintres, n'en parlons pas. Ecrire en peintre puisque vous me disiez que certains poèmes sont comme des peintures - tout tient dans le " comme ", je suppose - cela ouvre les portes de la réalité sur un au-delà du langage ? Chercher dans les mots à aller vers ce qui les dépasse, à faire signe vers un dehors...Ce serait cela la poésie, selon vous ? De sorte qu'il y aurait à voir le poème comme on voit un tableau, dans sa brusque apparition ? Cette expérience-là est-elle envisageable ?<br /> <br /> MB : Le langage n'est langage que dans la mesure où il désigne autre chose, où il donne sur la réalité et nous la donne. C'est pour avoir oublié cette évidence, cette expérience fondamentale, que toute une partie du structuralisme, les yeux brouillés par de vieux préjugés, s'est mise à tourner en rond. Ecrire comme les peintres, cela peut vouloir dire : Ecrire comme les peintres écrivent, car cela leur arrive souvent, et si certains sont un peu bavards, d'autres sont d'excellents écrivains ; Ecrire comme les peintres peignent, donc regarder avec eux, les regarder peindre, tirer des leçons de leur travail. En ce qui concerne le résultat, le texte rivalise avec une peinture dans la mesure où il évoque avec force des images, des couleurs, appelant souvent à son secours l'œuvre du peintre qui les fournit. Dans la mesure aussi où il fonctionne comme une peinture. Certes celle-ci, pourvu qu'elle soit de petit format, peut être appréhendée d'un seul coup, alors que nous épelons d'abord le texte lettre à lettre, puis l'ânonnons mot par mot, puis prenons notre envol sur la page, mais les différentes parties de celle-ci subsistent pendant cette opération. Il y a des régions réservées : pagination, titre courant, titres de chapitres, annotations, dans lesquels nous puisons comme pour reprendre haleine avant de reprendre le fil (ou les fils). Il est facile de voir que le fonctionnement du poème est plus proche de celui de la peinture que celui de la prose. Le poème nion ponctué est plus visuel que celui qui est ponctué. Les signes ayant été inventés pour faciliter la lecture à haute voix, puis à voix de plus en plus basse, de plus en plus intérieure. Les nombreux " tableaux " synoptiques qui illustrent nos manuels nous éclairent à ce sujet. Le poème s'en rapproche plus ou moins notamment quand il utilise la forme essentielle de la liste : litanies, catalogue des vaisseaux dans l'Iliade, etc. Il arrive qu'il y ait ainsi brusque apparition d'un tableau. Je me souviens par exemple de mon étonnement lors de mon premier voyage à Florence, lorsque j'ai découvert le tryptique Portuari de Hugo Van den Goes. D'abord, je ne savais pas qu'il y eût des primitifs flamands à Florence. D'autre part je n'imaginais pas dans cette école un tableau si grand. Cela a été comme un coup de foudre. Mais après ce premier moment, comme je me suis promené de détail en détail, de panneau en panneau, des deux côtés des panneaux extérieurs. La nouveauté produit ainsi une sorte de déflagration. Mais pour le peintre en général que de temps avant d'arriver à ce résultat, avec dessins préparatoires, esquisses, repentirs. Souvent des semaines, parfois des années. De même la première lecture d'un poème peut apporter un tel coup de foudre. Je pense aux Illuminations si bien nommées. J'étais adolescent. Je n'imaginais pas qu'on puisse faire des choses pareilles avec des mots. Comme je les ai relues depuis, et quels trajets j'y ai parcourus ! Lors de sa première rétrospective au Museum of Art, un critique incompréhensif demanda à Mark Rothko combien de temps il lui fallait pour faire une de ces œuvres, imaginant qu'il répondrait quelque chose comme une grosse demi-heure. Mais il lui dit : 65 ans, l'âge qu'il avait. <br /> <br /> AF : Cette question pour clore notre entretien. Elle porterait sur cette citation de Paul Klee que vous rappelez dans votre entretien sur Michaux, publié dans le Magazine Littéraire d'avril 98 : " Ecrire et dessiner sont semblables en leur fond ". Le croyez-vous ? N'est-ce pas là encore - et en quel sens alors ? - la question de la trace qui se pose ? Et puis dessiner, peut-être, mais peindre, et qu'avec la couleur cèdent les contours ?<br /> <br /> MB : Oui, la trace, toujours. Sur une surface plus ou moins unie, blanche en général, mais pas forcément, le dessinateur aussi bien que l'écriveur, dispose des traits noirs en général, mais pas forcément. Les bâtons de l'écolier évoluent en un sens vers des lettres, dans un autre des représentations visuelles, entre les deux l'idéogramme. L'écriveur obéit dans la disposition de ses traits à des règles extrêmement strictes impliquant un passage au moins possible par l'oral. Le dessinateur d'autrefois, dans sa recherche d'une ressemblance, obéissait à des contraintes aussi serrées. Les changements dans la relation au modèle ont libéré le dessinateur. L'enchaînement des signes-lettres chez l'écriveur se fait fondamentalement au long d'une ligne idéale dont les sections s'entassent en pages, les pages en volumes quelle que soit la forme de ceux-ci. Mais le manuscrit avec ses ratures, ajouts, renvois peut rivaliser de liberté plastique avec les produits du dessinateur. Quant à l'imprimé, il nous suffit d'ouvrir un peu nos volets pour découvrir la richesse des titres, sous-titres, tableaux, titres-courants, notes, etc., sans parler même de la relation avec des illustrations sur la page, le texte pouvant devenir lui-même une illustration (photographie d'une page de telle édition particulièrement belle ou intéressante). Les lettres peuvent retrouver leur figuration enfouie ; les dessinateurs peuvent leur en inventer de nouvelles : alphabets figuraux, lettrines, etc. En ce qui concerne la couleur, notre tradition scripturaire (prééminence du texte, du livre, sur son illustration ou décoration) nous a menés à opposer, comme Mondrian pendant toute une partie de sa vie des non-couleurs : blanc, noir et tous les gris, à des couleurs : celles du spectre solaire et leurs combinaisons. Mais Mondrian lui-même n'a pu maintenir cette opposition dans ses dernières œuvres où il découvre avec émerveillement que le noir aussi est une couleur. Ainsi notre écriture, c'est en général des signes noirs sur un fond blanc, mais toutes les autres couleurs sont possibles, à condition bien sûr de conserver un contraste suffisant. C'est un bouleversement complet de nos habitudes, et surtout de celles des éditeurs. Ainsi Cendrars imprime en couleurs la Prose du Transsibérien, moi Boomerang. Le dessin était, dans l'enseignement traditionnel des beaux-arts, conçu comme contour cernant une couleur qui le remplissait, comme un liquide dans une bouteille. On voit la filiation avec l'art du vitrailler ou de l'émailleur. La couleur peut s'épanouir beaucoup plus librement, le dessin devenir lui-même une matière de points, cils, boucles, etc… qui remplit une forme en l'animant. L'écriture aussi. Pensons seulement à la bouteille de Rabelais. Lorsque j'écris à la main dans l'œuvre d'un artiste : dessin, gravure, gouache ou collage, j'éprouve à chaque mouvement de ma plume l'énorme influence de mes dessins-mots sur les dessins-images qui les entourent, ceci naturellement déjà antérieurement à la lecture en mots et phrases qui fait intervenir des océans de références, de formes et couleurs remémorées, imaginées. La peinture nous force au silence pour nous rendre capable d'entendre sa rumeur. La poésie propose sa rumeur pour nous rendre sensibles aux couleurs du silence. <br /> <br /> © Alain Freixe, Michel Butor et la revue La Sape
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R
Passages de Butor <br /> <br /> L’écrivain français Michel Butor nous reçoit chez lui, en Haute-Savoie. <br /> <br /> Romancier et essayiste, il a été professeur de langue française à l'étranger puis de littérature à Genève.<br /> <br /> La planète littérature a abondamment célébré en 2006 les quatre-vingt printemps de Michel Butor. Conférences, analyses, entretiens, soirées artistiques; en fin <br /> d’exercice, l’écrivain français vous reçoit chez lui, "A l’écart" - telle est l’adresse de sa maison villageoise de Haute-savoie.<br /> <br /> A l’écart de ses cheminements exploratoires en terre d’écriture, Michel Butor livre là, dans le silence de son bureau, les cheminements mystérieux de la création <br /> littéraire, mais traque aussi son rapport à la musique, comme "honnête mélomane" ou comme artiste passionné d’inspiration, de mise en forme, de croisée des arts, <br /> avec pour emblème sa complicité amicale et artistique avec Henri Pousseur.<br /> <br /> Evocations structurales, avec ces visions du Nouveau Roman (quatre œuvres romanesque, dans l’œuvre de Butor, Passage de Milan, l’Emploi du temps, la <br /> Modification et Degrés, tous écrits, j’allais dire composés… avant 1960), que Michel Butor met en perspective de ses amours musicales d’après-guerre, empreintes <br /> de libération, de liberté. Une démarche historique, certes, mais quelques centaines des quinze mille pages de ce parcours ouvert, éminemment pluriel.<br /> <br /> Michel Butor en parle en toute simplicité, de cette pensée au travail dans cet espace créateur, au gré des ouvrages purement poétiques, bien sûr, mais tout aussi <br /> expérimentaux, ses critiques, ses essais, ses livres d’artistes en collaboration avec photographes et peintres.<br /> <br /> Comme vous pourrez d’emblée en prendre modestement conscience en ouvrant le pliage ci-joint, que le grand écrivain offre à l’œil de l’auditeur de Musique en <br /> mémoire avant de s’adresser à son oreille, en cinq aventureux Passages de Michel Butor.<br /> <br /> <br /> <br /> Une série de cinq entretiens de Michel Butor, au micro de Jean-Luc Rieder<br /> <br /> <br /> http://www.rsr.ch/espace-2/musique-en-memoire/selectedDate/01/03/2007#jeudi
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